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Je ressors grandi et ébloui d’un week-end intense en tant que photographe, avec pour mission de couvrir les finales du Championnat de Suisse amateur élite qui ont eu lieu à Carouge. Mot-clé pour moi: l’adaptation. A un sujet que je connais très mal. Aux conditions de lumière. A la vitesse de l’action. Aux contraintes autour du ring: présence des arbitres, de caméras TV, angles en contre-plongée, rythme effréné (23 combats samedi, 13 dimanche), enchaînements rapides de coups. Je découvre en même temps que je couvre. J’observe, je fais des erreurs, je prends des notes. Une belle métaphore de la vie professionnelle. Grandi donc, ne serait-ce qu’au niveau de mes compétences, mais aussi ébloui. Par la ténacité, le cœur, les tripes posés sur le ring. La camaraderie de ces clubs qui ont traversé le pays avec armes et bagages pour ce rendez-vous crucial. Le respect entre combattants qui, après avoir tout lâché pendant 3 rounds de 3 minutes, s’embrassent et échangent des mots de félicitations pour l’un, réconfort pour l’autre. Ici, pas de playmates en maillot de bain pendant que soigneur et coach pansent, réhydratent et conseillent le boxeur entre deux rounds. Une brève annonce: « Soigneurs dehors », et c’est reparti pour 3 minutes. 3 minutes de danse, poings levés. Hachée par des crochets, des uppercuts, des jabs et des directs. On pare, on esquive, on s’efface, on avance. Les coachs, en bas de l’escalier côtés rouge et bleu, hurlent leurs consignes. — « Reste pas dans le coin. Tourne! » — « Vas-y, maintenant! » — « Respire. » — « Ça passe, ça passe, enchaîne! » Le tout dans les trois langues nationales: français, allemand, italien. Le plus vocal, venu du fin fond de l’outre-Sarine, n’a qu’un mot à la bouche, balancé toutes les 5 secondes: — « Weiter! » J’ai écrit « combattants » parce qu’un peu dinosaure réfractaire. En langage moderne et dans le vent, ça donnerait « combattant(e)s », ou encore « combattant.e.s ». Il y a l’inclusivité de surface, facile, car ça ne coûte pas cher. Il suffit de l’écrire et on peut cocher la case « féminisme bienveillant ». Et il y a les faits, les gestes, les actes. Il y avait sur le ring des hommes et des femmes qui, vainqueur ou vaincu, y ont tout laissé. Certains avaient des années d’expérience et plus de 100 combats à leur actif. D’autres débutaient et se trouvaient déjà en lice pour un titre. Tous jonglent à côté avec une vie familiale, estudiantine, professionnelle. Un finaliste super-lourd devait passer le lendemain un examen d’horlogerie. Une championne nouvellement sacrée a assisté au reste des combats, sa fille dans les bras. Un adolescent a dû demander une dérogation d’âge. Les bourses en disent long sur leur engagement: 150 francs pour les vainqueurs, 100 pour les finalistes. A diviser par des mois d’entraînement sans sponsors, sur son temps libre. La gloire pour faits accomplis. Toi qui cherches la fortune, passe ton chemin. Miguel Quintana Voici quelques-uns de mes clichés préférés, avec un regard un peu « en marge »:
🔹 « La pesée » — Samedi matin avant les demi-finales: chaque combattant passe une visite médicale et sur la balance pour vérifier qu’il « fait » le poids de sa catégorie. Entre angoisse et impatience d’en découdre. Les regards sont déterminés.
🔹 « Million Dollar Baby » — Troublante sérénité d’une boxeuse que son coach finit de préparer. Dans trente secondes, début du premier round.
🔹 « Listen to me, son » — Un très jeune boxeur écoute les derniers conseils avant le début des finales.
🔹« 3 Feet High and Rising » — La boxe est aussi (surtout?) une affaire de jeu de jambes. L’occasion de faire la mise au point sur le public qui observe la danse.
©︎ Miguel Quintana pour Club pugilistique de Carouge.
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