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Comme partout, la Suisse s’est progressivement ouverte à la boxe féminine. Elles sont aujourd’hui quelques dizaines à pratiquer en compétition ce sport de combat chez les amateurs (68 en 2019, 45 en 2020, 27 en 2021), et quelques unes seulement (3) chez les professionnels. La première à avoir réussi, dans les années nonante, à faire sauter le verrou imposé à la boxe féminine par la FSB fut la Bernoise Christina Nigg, désormais membre de la comission technique et responsable du sport d’élite au sein de Swiss Boxing ! Une belle revanche pour celle qui a dû d’abord quémander une licence à la fédération allemande pour pouvoir assouvir sa passion, avant d’obtenir une ceinture mondiale avec une licence américaine !

Après Christina Nigg (1996-2000), plusieurs Suissesses ont fait parler d’elles avantageusement chez les professionnels, dont la talentueuse Vaudoise Solange Bocquet. Celle-ci semblait la mieux armée pour faire une très belle carrière au plus haut niveau après son titre national 2007, mais elle n’a pourtant pas insisté longtemps malgré deux combats pros gagnés en 2010. Puis est venue la redoutable Viviane Obenauf (2014-2020),  d’origine brésilienne et mariée à un restaurateur d’Interlaken de vingt-sept ans son aîné ! Dotée d’un sacré tempérament, elle a été la plus cotée sur le plan international. C’est elle qui a signé les plus grandes performances, en Grande Bretagne, face notamment à l’Irlandaise Katie Taylor, actuelle championne du monde invaincue des poids légers (battue aux points en 2016), et face à sa challenger Natasha Jonas en 2018 (succès par KOT 4ème !).

Deux Suissesses championnes d’Europe

Entretemps Viviane Obenauf (14-6-0) avait, hélas, échoué à Leicester en 2017 pour le titre mondial IBO devant Chantelle Cameron (KOT 6ème). La petite Bernoise, combattante solide et très agressive, échouera aussi à Paris, après un combat épique et acharné, pour le titre mondial IBF (abandon 5ème) face à Maiva Hamadouche (19-1-0), ainsi qu’en 2019 à Manchester pour le titre IBO, aux points, face à Terri Harper. A 36 ans, elle n’avait peut-être pas dit son dernier mot sur le ring, mais un fait divers tragique l’a brutalement remise au coeur de l’actualité : suspectée du meurtre de son mari, elle a été arrêtée en novembre 2020, puis emprisonnée début décembre en attendant le résultat de l’enquête judiciaire.

Nicole Boss, une autre Bernoise aujourd’hui retirée, a aussi porté haut les couleurs de la boxe helvétique entre 2008 et 2015 (10-5-2). Après une tentative infructueuse en 2011 face à la redoutable Belge Delfine Pearsoon, elle a obtenu en 2013, devant la Bulgare Petkova, le titre européen des poids légers qu’elle a défendu victorieusement à deux reprises. Un nouvel échec pour le titre mondial WBC en avril 2015 à Berne (KOT 9ème) contre la même Pearsoon (33-1-0) a précipité sa fin de carrière.

En 2013, la grande surprise est venue de la Vaudoise de Genève Ornella Domini, sacrée à son sixième combat pro championne d’Europe des welters face à l’invaincue Belge Sabrina Giuliani, qu’elle battra de nouveau en match revanche. Malheurement en 2018, après un magnifique affrontement, un échec aux points en Pologne, devant la Polonaise Eva Piatkowska (11-1- 0), l’a privée du titre mondial WBC. Après deux nouvelles défenses victorieuses du titre EBU devant la Hongroise Szabados, Ornella Domini (15-2-0) a été portée à la présidence du Boxing Club Genevois.

Après s’être inclinée en 2011 pour le titre WBF des welters (KOT 5ème) face à la redoutabble française Anne-Sophie Mathis, ex-championne du monde, avec à la clé une douloureuse fracture à la mâchoire, la Franco-Suisse Olivia Belkacem (-Boudouma), a perdu aux points, en août 2021 à Fribourg, face à la Belge Oshin Derieuw (13-0-0), pour le titre européen. Elle faisait son retour après huit ans loin du ring ! A plus de 40 ans, l’élégante fribourgeoise (10-3-0) échouera encore le 27/11/2021, à Jonköping, face à la Suédoise Patricia Berghult pour le titre WBC interim vacant des super-welters.

Anaïs Kistler : la perle du CP Carouge

Désormais tous les regards se portent sur la Lausannoise Anaîs Kistler (32 ans), quintuple championne de Suisse amateur (2012 à 2016), et qui a remporté son premier combat pro après quatre années à jouer au rugby. Un retour encourageant pour l’infirmière valdo-neuchâteloise, très motivée et très prometteuse. En très net progrès, elle représente à elle seule l’avenir de la boxe féminine suisse. Dotée d’une volonté farouche, et surtout d’une redoutable puissance de frappe, elle marche sur les traces de ses devancières avec des qualités encore plus affirmées, qui peuvent lui permettre d’envisager la suite avec un bel optimisme. A condition que la crise du covid ne vienne pas tout gâcher !

A noter aussi, entre 2008 et 2019 la magnifique carrière de la petite Japonaise de Berne Anyia Seki. Championne de Suisse en 2006 (54 kg), elle s’illustra chez les professionnels (35-4-3) mais, hélas, s’inclina aux points en octobre 2018 à Gümligen face à la Mexicaine Maribel Ramirez  pour le titre mondial WBA des super-mouche. A son tour, la Roumaine de Bâle Gabriela Timar (34 ans), invaincue en six combats, effectue un très bon début chez les pros depuis 2018.

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Plusieurs Suissesses ont également fait parler d’elles chez les amateurs, notamment Sandra Brügger, qui a mené une carrière de seize années jusqu’à l’âge de 40 ans, entre 2005 et 2021 (107 succès, 34 défaites, 2 nuls). Native de Meiringen, la petite Bernoise (60 kg) a obtenu douze titres nationaux. Malgré d’innombrables succès, elle a mahleureusement toujours échoué au plus haut niveau international, que ce soit en championnat d’Europe ou championnat du monde AIBA. En 2016, après une victoire controversée en match de barrage contre Anaïs Kistler, à Horgen (Zurich), elle échoua également à se qualifier pour les JO de Rio de Janeiro.

Celle qui a le mieux réussi aura été la talentueuse Soleuroise Dina Bürger, double championne de Suisse 2003 (-54 kg) et 2004 (-57 kg), et surtout vice-championne du monde AIBA en 2005 à Podolsk (Russie), battue en finale des poids coq par la Roumaine Mihaela Cijevschi. Une grande et belle performance qui aurait pu lui ouvrir les portes du professionnalisme, mais qui au contraire les referma sur une carrière magnifique, mais inachevée, à 20 ans.

 

 

La boxe féminine : parent pauvre du sport suisse !

Depuis l’entrée de la boxe féminine aux JO de Londres en 2012, beaucoup de choses ont changé pour celles qui la pratiquent. Considérée désormais comme un sport olympique, cette activité est prise au sérieux par le milieu pugilistique. De nombreux pays consentent désormais à investir sur les filles et mettent des infrastructures à leur disposition. L’Irlandaise Katie Taylor, par exemple, actuelle championne du monde professionnelle des poids légers, peut compter sur un budget annuel de plus de 100’000 euros ; les Allemandes sont prises en charge comme professionnelles par l’armée et boxent dix mois par an ; les Hollandaises bénéficient d’aides financières par leur fédération ; en France et en Angleterre, les sélections nationales sont organisées avec physio, médecin et un fonctionnaire qui planifie les combats et analyse les performances ; la Suéde apporte son soutien à une sélection de juniors ; quant aux pays de l’est, très nombreux depuis la fin de l’URSS, leurs représentants écument les tournois internationaux, là où se récoltent les points nécessaires à une qualification olympique. Leurs entraîneurs sont engagés à plein temps ou sur mandat par les fédérations nationales qui paient leurs frais (repas, hôtels, déplacements, etc).

Rien de tel en Suisse, où l’entraîneur national touche un forfait journalier de 100 francs, sans vacances payées. Les frais de voyage lui sont tout de même remboursés ! Les Suissesses qui boxent ont toutes un travail quotidien ou sont aux étudces. Elles combattent sur leurs jours de vacances ou de congé et ne touchent pas un franc de la boxe. Dans un pays riche, elles sont incontestablement les parents pauvres de leur sport ! Et cela malgré tous les efforts entrepris et les améliorations apportées depuis quelques mois par les deux nouveaux responsables nationaux : Christina Nigg, membre de la comission technique et cheffe du sport d’élite, et Federico Beresini, entraîneur national pour la compétition.

B.Duboux/11.12.2021

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